La
séparation d'avec Antignac

Déjà au 18e
siècle, le Muradès cherchait à se séparer du Vignonnet et d'Antignac.
En 1717, l'abbé Veyssier originaire de Pouzadoux (nous en parlerons
d'ailleurs plus longuement) poursuivait le paiement d'une créance
contre le marquis de Chabannes-Curton, pour bâtir une chapelle dans
leur village natal.
Presque à cette
même époque, à peine quelques années plus tard, vers 1721, la
marquise de Bourbon-Malauze, propriétaire du château de Murat la
Rabbe, faisait commencer la construction d'une église à la
Monselie et non à Pratoupy comme il est dit par erreur car on en
voit encore des vestiges au chevet de l'église actuelle. Dans la
pensée de la noble dame, cette chapelle devait plus tard être
érigée en église paroissiale sous le nom du Muradès. Les travaux
de maçonnerie étaient terminés, comme le rapporte la tradition,
il ne restait plus que la toiture à élever, mais des malveillants
s'y opposèrent.
Les murailles furent
renversées, la marquise tomba malade et mourût. Ceci se passait en
1724. Entre-temps, cependant, l'opinion se faisait et le mouvement
séparatiste allait toujours grandissant….
Nous allons voir sous
quelles influences la séparation put enfin s'accomplir, tant il est
vrai de dire que la providence va toujours au devant des besoins
religieux du peuple. Dieu ne manque jamais de susciter l'homme qui
doit réaliser ses œuvres.
Monseigneur Chavany,
prieur de Vignonnet, trouvant trop pénible le service de l'église
du Roc près de laquelle n'existait pas de presbytère, commença
vers 1780 l'agrandissement de la chapelle d'Antignac et y
attira peu à peu les paroissiens. Son neveu François Chavany,
curé du Vignonnet à la révolution, continua l'œuvre de ses prédécesseurs.
Mais, si les
habitants de la Daille optaient si volontiers pour Antignac, ceux de
Salsignac, petit prieuré voisin, supprimé en 1790, voulaient
garder leur autonomie et on sait encore à cette heure combien ils y
tiennent. Quant à ceux du Muradès, ils manifestaient très haut
leur mécontentement, ils restaient d'abord très attachés à
l'église du rocher parce qu'elle était leur église séculaire et
parce qu'autour d'elle reposaient leurs chers morts. D'autre part,
ils répugnaient d'aller à Antignac, une mauvaise passerelle en
bois ne leur permettait pas de franchir toujours la Sumène.
Le mouvement
séparatiste pénétrait de plus en plus la masse des habitants et
on allait inévitablement vers la séparation.
En 1792, le Muradès
formait une municipalité.
En 1827, le Muradès
fut forcé d'accepter avec la Daille (sections d'Antignac) un même
maire, un même curé, une même église mais on ne put établir
aucune fusion parmi les esprits. Les habitants du Muradès eurent
toujours sur la place Antignac un côté marqué pour se réunir
dans l'église, ils occupaient continuellement la partie
méridionale; à la mort de l'un des leurs, ils ne permirent jamais
que leurs cendres furent mêlées aux cendres de la section d'Antignac.
Toutes les fois que les prêtres d'Antignac, pour obtenir une
apparence de fusion entre les deux sections voulurent n'avoir qu'un
seul cimetière, et refusèrent d'accompagner à celui du Roc les
restes mortels d'un habitant du Muradès. Les parents, quoique tous
remplis de sentiments chrétiens, préfèrent renoncer aux derniers
honneurs que l'église rend aux morts plutôt que de voir un des
leurs enterré au cimetière d'Antignac. Le fils Noël de Lauzeral
et bien d'autres se firent enterrer à Menet.
La division était
donc très marquée, mais ce qui la compléta fut la longue lutte
entre la famille Armand d'Antignac et la famille Noël de Lauzeral.
Monsieur l'abbé Noël, curé de Saint-Pierre de Chaillot, épousa
le parti de son frère et pris en main l'œuvre de la séparation.
Celui-ci pendant les vacances qu'il passait dans sa famille,
invitait les habitants du Muradès à construire une église ; il
les aiderait de ses deniers, il trouverait à Paris des ressources
suffisantes ; bref, un beau jour, on se mit à l'œuvre. Une famille
généreuse de la Monselie (la famille Noël) donna le terrain
nécessaire à l'emplacement, et l'église commencée en 1854 aux
frais de Monsieur Noël et des habitants, fut continuée ensuite et
terminée après le legs de Madame Duthu.
C'est l'histoire de
ce legs que nous avons à faire et nous tenons à en consigner ici
tous les détails.
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